La grande muraille de Chine !!!

(Les 24 et 25 décembre)

Bien que nous ne le constatons pas vraiment en Asie (quoi que l’aspect commercial pousse les magasins à développer cette fête par ici), les contacts que l’on avec la famille et les amis nous rappellent sans cesse que Noël approche. Et pour fêter ce Noël un peu particulier, parce que nous ne sommes qu’à deux au bout du monde, loin de la famille et que rien que l’idée que nous allons rater le champagne et le foie gras nous fout le cafard, nous décidons de faire quelque chose de spécial avec les moyens du bord : direction la Muraille de Chine pour le 25 décembre !

Depuis Beijing, la grande muraille est accessible sur différentes portions. Les 3 principales sont Badaling, Mutianyu et Jinshangling. Les deux premières sont les plus proches de la capitale (respectivement 2h et 2h30 de bus) alors nous les écartons rapidement car trop touristiques. Nous étudions donc les possibilités d’aller sur la portion qui s’étend de Simatai à Jinshangling, à 110 km au nord-est de la capitale, et découvrons rapidement qu’il est même possible de dormir dans une auberge à quelques mètres de la Muraille pour y aller dès le lendemain matin pour observer le lever de soleil. Banco ! Après avoir lu quelques récits de voyageurs l’ayant fait, on se décide à nous rendre à l’auberge Dongpo Inn située à Simatai. Selon les routards qui nous ont précédé, l’auberge est pleine de vie, bonne ambiance, famille très accueillante et surtout, le propriétaire nous emmène le lendemain sur une portion de la muraille fermée au public pour pouvoir y randonner en toute tranquillité !

 

Un peu d’infos utiles…

Longue de 6700 km soit près d’un sixième de la circonférence de la Terre (rendez-vous compte !), il faudrait parler en fait deS GrandeS MurailleS, puisque c’est en 221 avant JC que l’empereur décide de relier toutes les fortifications déjà existantes depuis le VIIème s. avant JC pour en faire un ouvrage défensif homogène. Mais faute d’entretien, celle-ci en terre tombe en ruine et il faudra attendre la dynastie Ming (1368-1644) qui, craignant les mongols au Nord-Est, vont la rebâtir en pierre et briques cuites. C’est la muraille que l’on observe encore aujourd’hui.

Haute de 8 mètres et large de 6 mètres en moyenne, la muraille des Ming constitue un ensemble de forteresses, de portes, jalonnées par des milliers de tours de guet. A l’époque, le rempart est tenu par près d’un million d’hommes, mais cela ne servira pas à grand-chose car bien qu’ayant un rôle dissuasif, la Grande Muraille n’arrêtera pas les invasions des mongols ou de Genghis Khan puisqu’elle est discontinue…

Cet édifice fut la plus longue construction humaine, mais fut bati dans le sang. Les conditions de travail sur ces flancs de montagnes étaient exécrables. Au total, plus d’un million d’ouvriers périrent sur le chantier, ce qui fait une moyenne de 150 morts au kilomètre !

 

Comment se rendre à l’auberge Dongpo Inn ?

Pour nous y rendre, nous prenons le bus 980 Express (prendre garde à bien monter dans le bus 980 Express et non le 980 tout court qui met beaucoup plus de temps) depuis la bus station Dongzhimen jusqu’à Miyun, soit environ 2h30 de bus pour 15 RMB. Il nous faut alors terminer le trajet en taxi puisque là où nous nous rendons, les bus ne passent pas. Le propriétaire du Dongpo Inn nous avait proposé d’arranger le taxi pour 200 RMB. Trouvant le prix un peu élevé, nous avons préféré voir par nous-même pour négocier le prix. Nous descendons au dernier arrêt où nous attendent seulement 3 taxis là où nous pensions en voir des dizaines ; nous sommes les seuls touristes en cette saison, la négociation s’annonce donc tendue. Les chauffeurs de taxi se mettent d’accord entre eux et refusent de descendre en-dessous de 180 RMB malgré toutes nos tentatives pour faire baisser le prix de la course. Le prix du propriétaire de l’auberge n’était donc pas si délirant que cela et nous aurait épargné tout ce temps perdu à négocier.

Au fur et à mesure que le taxi roule, nous nous enfonçons de plus en plus dans la campagne chinoise. Nous apercevons au détour d’une montagne la muraille de Chine qui surplombe la vallée, ça promet ! Nous arrivons 45 min plus tard au fin fond d’un village de campagne, niché au milieu des montagnes. Si nous trouvions qu’à Beijing il faisait très froid, ici, c’est carrément glacial ! Nous découvrons l’auberge où nous attend la petite famille.  A notre surprise, nous sommes les seuls touristes (hé oui, nous sommes toujours en hiver, on aurait dû le deviner !). Nous faisons donc une croix sur l’ambiance, le réveillon du 24 décembre s’annonce donc particulièrement calme ! Aujourd’hui, pas de menu comme en été, mais un plat unique : riz, légumes, poulet ! Décidément, ce sera un festin (sic !)… Et précisons également qu’il est 16h30, il fait déjà nuit noire (donc impossible d’aller se balader) et qu’il n’y a évidemment pas internet pour souhaiter de bonnes fêtes à la famille… Autant dire que nous n’avions pas imaginé notre réveillon du 24 décembre comme cela… Apparemment, la folie de Noël n’est pas encore parvenue jusqu’ici. Par contre, nous distinguons dans la nuit une ombre qui s’étend d’Ouest en Est sur le versant juste en face de l’auberge : nous allons passer la nuit à quelques dizaines de mètres de l’impressionnante muraille ! Cela compense largement nos petits instants de nostalgie en cette période de fêtes…

 Dans la chambre, la famille nous a préparé un lit Kang. Mais c’est quoi un lit Kang ? Deux secondes, je vais vous expliquer… Il s’agit d’un immense lit (on pourrait dormir aisément à 5 ou 6, soit 10 personnes si on s’empile !) sous lequel on allume un feu de bois qui réchauffera petit à petit les couvertures au-dessus (mais pas assez pour la température de la pièce, on restera à 0° en dehors des couvertures) et dure toute la nuit (enfin nous, il s’arrêtera vers 4h du matin). Le confort reste très sommaire, le lit est en béton ou semblable et le matelas n’est pas bien épais. Ce sera notre bouillote pour cette nuit ! Et il faut dire que ça marche pas mal. Ca a mis du temps à réchauffer les couvertures, mais une fois fait, la matière restitue plutôt bien la chaleur et contrairement à ce que nous craignions, nous n’avons pas eu froid durant la nuit. A l’intérieur des couvertures, cela fait une drôle de sensation de cuisson à l’étuvée qui n’est pas très agréable, mais c’est mieux qu’avoir froid.

La famille chinoise est très sympa et la femme, qui parle un anglais approximatif, discute volontiers avec nous et  nous jouons avec les enfants. On essaie de leur expliquer ce qu’est Noël chez nous, que nous sommes tous seuls ici alors que tout le monde s’apprête à manger ensemble en France… Pour nous consoler, ils nous offriront des bières gratuites comme cadeau…

20h, nous avons fini de manger alors n’ayant plus d’idée pour nous occuper, nous rejoignons notre chambre pour regarder un film, en pensant aux occidentaux qui n’ont même pas encore débouché la première bouteille de champagne…

Allons ouvrir nos cadeaux sur la Grande Muraille !

5h45, le 25 décembre, le réveil sonne… Même gamins, nous ne nous levions pas si tôt pour nous jeter sur les cadeaux qui nous attendaient au pied du sapin… Que c’est dur de quitter les couvertures chaudes pour affronter les -5° extérieurs. Le propriétaire nous attend dans sa voiture pour nous emmener au pied de la section de la muraille fermée au public. Il nous explique rapidement l’itinéraire et à 7h, c’est parti pour la randonnée !

La randonnée s’étend de Simatai à Jinshangling sur une dizaine de kilomètres. Nous avons tout notre temps, le seul objectif à atteindre est de passer la 10ème tour avant 8h car à partir de cette heure, un gardien prend son poste et il nous faudra payer pour entrer sur la section publique que nous rejoignons. On se dit qu’on est large pour atteindre la 10ème avant 8h.

La marche se révèle être beaucoup plus sportive que prévue ! La section sur laquelle nous commençons la randonnée est fermée au public car elle  n’est pas rénovée. La végétation a donc envahi les murs et les pierres de la Muraille, les marches sont immenses et inégales et certains tronçons ont même subi des éboulements. Ca grimpe et ça descend sec, il faut faire attention où nous mettons les pieds mais nous nous régalons de ce décor authentique malgré le froid qui a réussi à faire geler sur place la bouteille que nous portons dans notre sac à dos (rien que ça !). Ca nous donne un aperçu de ce qu’est devenue la Muraille de Chine de nos jours !

Vers 7h, le soleil pointe le bout de son nez mais malheureusement pour nous, il est rapidement caché par la brume ambiante (hiver, hiver..) et nous n’aurons droit qu’à un lever de soleil succinct. Mais pas le temps de nous apitoyer, car à force de trop flâner, nous commençons à être en retard d’autant plus que nous apercevons un homme en uniforme qui nous suit. S’agissant certainement du garde qui se rend à la 10ème tour pour prendre sa garde, nous accélérons le pas. Dans cette course, nous perdons de plus en plus d’avance mais parvenons à la 10ème tour avant lui… Ouf ! Mais au moment de la traverser, nous nous rendons compte que la porte permettant d’accéder au tronçon public est fermée ! Oups, ce n’était pas prévu cela ! L’homme continuant de se rapprocher, nous cherchons rapidement une idée pour nous « échapper ». Je descends alors de la muraille de Chine et m’aventure à flanc de montagne pour contourner la tour (là je vous promets que je ne la ramenais pas car c’était plein de ronces et vraiment pentu !). Je jette rapidement un œil et trouve un endroit où le mur est un peu moins haut et je me dis qu’on peut tenter l’escalade. Je m’en vais chercher Célia restée de l’autre côté, inquiète, et lui propose ma solution. Il faut dire que la muraille fait quand même à cet endroit environ 3,5 mètres de haut et qu’à l’origine, cet édifice a été bâti pour repousser une armée complète d’envahisseurs. Mais ni une, ni deux, à force d’encouragements et de courte échelle, Célia parvient à se hisser sur le rebord de la muraille. Je ne tarde pas à la rejoindre juste à temps pour voir le garde arriver à la 10ème tour. Il ne semble pas non plus avoir la clé de la porte puisqu’il ne l’ouvre pas pour nous courir après. Imaginez sa tête à la fenêtre en nous voyant de l’autre côté, le pauvre doit certainement encore se demander comment nous avons fait pour passer…

Quelle aventure ! Nous avons escaladé la MURAILLE DE CHINE ! :-D

Nous pénétrons maintenant sur le tronçon public qui nous conduit jusque Jinshangling. Sur les quelques kilomètres qui restent, nous découvrons la muraille de Chine des cartes postales. Rénovée sur une longue portion, les pierres sont impeccables, les tours sont vraiment photogéniques avec des couleurs jaune-ocre spectaculaires et la marche est moins sportive. Avec les longs entortillements de la muraille qui se perdent dans les brumes matinales, c’est un régal pour les yeux !

Après avoir passé notre trentième tour de garde, notre randonnée touche à sa fin après plus de 4h de ballade, nous redescendons, non sans une certaine nostalgie, et rejoignons notre taxi qui nous ramène au bus…

Nos impressions

Après discussions avec d’autres voyageurs qui sont allés sur la section de Mutianyu sur la journée, nous nous disons que c’était peut-être la meilleure solution puisqu’eux non plus n’ont pas croisé des masses de touristes. En hiver, il n’est pas forcément nécessaire de s’aventurer loin (surtout d’aller se perdre dans les montagnes glaciales pour le réveillon du 24…) pour fuir les touristes comme nous l’avons fait. Néanmoins, nous avons eu la chance d’être vraiment seuls pendant de longues heures sur des sections authentiques puis rénovées de la Grande Muraille, alors nous restons contents de notre choix. En été, avec l’ambiance qui doit régner dans la guesthouse de Simatai et quelques degrés supplémentaires, il n’y a pas à hésiter, il faut faire cette randonnée !

Nous n’oublierons jamais cette magnifique randonnée durant laquelle nous étions seuls, en tête à tête avec cette gigantesque mais vieille dame qu’est la muraille de Chine. Un moment magique ! Nous avons l’impression d’avoir marché sur (et même escaladé !) l’Histoire dans tout ce qu’elle peut proposer de démesuré et de vertigineux !