[Vidéo] Quelques bornes à Phnom Penh, la capitale du Cambodge !

(Du 21 au 23 Janvier)

 

Le passage de la frontière entre le Vietnam et le Cambodge nous laisse un goût amer dans la bouche. Avec nos laisser-passer en poche, nous attendons le van qui nous emmène du poste frontière à la capitale. C’est dingue à quel point ils ont tendance à sous-estimer la taille des véhicules pour transporter notre petit groupe et tous nos grooooos sacs… Nous jouons à Tetris et nous parvenons tous à se caser et en route mauvaise troupe !

 

2h plus tard, le van nous dépose dans le quartier touristique de Phnom Penh. Nous reprenons nos petites habitudes et nous mettons en quête d’une guesthouse. Manque de bol, celles que nous avons repérées sont complètes. Nous visitons quelques ghettos puis nous jetons notre dévolu sur une chambre à 12$ la nuit à l’hôtel « Superstar ». C’est plus cher que dans nos habitudes, mais le niveau de vie ici semble plus élevé.

 

Ah oui, petite particularité du pays : tout se paie en dollars. La monnaie locale, le riel, ne sert que pour la petite monnaie. Cela s’explique par le fait que, suite à l’épisode des khmers rouges dans le pays, les contingents internationaux (notamment US) ont inondé le pays de leurs billets verts. Par la suite, les locaux ont continué d’utiliser cette monnaie forte au détriment de la leur. L’inconvénient pour nous qui venons du Vietnam, c’est que le prix minimum pour quoi que ce soit est généralement de 1$...

 

Nous occupons le reste de la journée en découvrant les alentours et finissons sur les bords du Mékong qui découpe la ville en deux. Les berges sont très bien aménagées, avec des jardins et des fleurs, et la balade y est très agréable. Sur la route du retour, je m’approche d’un stand qui fait rôtir quelque chose de bizarre sur un barbecue. Il ne nous faudra pas longtemps pour s’apercevoir que c’est du chien. Devant notre dégout, le cuisinier nous en propose un morceau que je ne peux refuser. Je prends ma respiration et croque un morceau de viande de chien grillée. Ce n’est pas mauvais, avec un peu de sauce tartare, ça en deviendrait même bon ! Notre rue, située dans le quartier touristique, regorge de restaurants en tous genres à des prix raisonnables. Il est très facile d’y manger pour 2-3$ par personne pour de la « western food » (on fait une pause dans la bouffe de rue…).

Le marché central

Le lendemain, direction le marché central de la capitale. C’est un peu le centre commercial du coin. La structure est plutôt originale avec sa forme de soucoupe volante jaunâtre, mais elle donne l’avantage de bien aérer l’intérieur. Il y a un grand dôme central, d’où partent de longues allées comme une pieuvre, où chaque tentacule a sa spécialité : les fringues, les bijoux, les produits d’hygiène, les fruits et légumes, les viandes et poissons, etc. et partout autour des stands de bric-à-brac et des stands de restauration rapide. Nous avalons rapidement un bol de nouilles (« rapidement », parce que nous en avons eu très très peu en comparaison des locaux de la table d’â côté).

Le palais royal

Le temps de se renseigner sur les possibilités de transports en bus, vers Siem Reap et le Laos, à la gare routière juste à côté, et nous nous dirigeons vers le palais royal situé au bord du Mékong. L’entrée n’est pas donnée, 13$ pour deux personnes, ça a intérêt à être sympa ! Et nous ne sommes pas déçus car les édifices royaux valent vraiment le coup d’œil ! Car oui, le Cambodge est une monarchie constitutionnelle « à tendance autoritaire » dixit le Routard. Comprenez ce que vous voulez derrière ces mots, mais nous ne prendrons pas le risque de critiquer le pouvoir en place dans le pays….

Les bâtiments sont en parfait état et sont une belle illustration de l’architecture khmère. Les khmers sont l’ethnie dominante au Cambodge : 90% de la population en est issue. Autant dire que le mot « khmer » revient presque à être un synonyme de « cambodgien » (il est d’ailleurs utilisé dans ce sens de manière officielle). Les toits étagés, avec leurs tuiles vertes et or (couleurs évoquant la royauté) et les flèches ou cornes pointant vers le soleil sont sublimes.

Le premier édifice que nous rencontrons est la salle du trône : le Preah Thineang Dheva Vinnichay. C’est le bâtiment le plus imposant avec son immense flèche pointant vers le ciel et dominant à 60 mètres de hauteurs. Elle est surmontée de la tête de Brahma à quatre visages, un peu comme les stuppas que nous avons vues au Népal. C’est dans ces moments-là qu’on se rend compte que bien que leurs cultures sont différentes, les pays d’Asie du Sud Est ont en commun de nombreuses choses, à commencer par la religion puisque le bouddhisme est un « dérivé » de l’hindouisme… Aujourd’hui, la salle du trône sert aux cérémonies officielles et événements royaux.

Dans l’enceinte juste à côté, nous trouvons la Pagode d’Argent, plus communément appelée Wat Preah Keo. Elle doit son nom au fait que le sol est entièrement recouvert de 5000 carreaux d’argent d’environ 10 centimètres de côté. Quelques-uns sont visibles si on soulève les tapis et moquettes sur lesquels marchent les touristes. A l’intérieur de ce temple royal, de magnifiques statues de Bouddha incrustées de diamants et autres pierres précieuses. Le jardin autour de la Pagode est magnifique, avec des bonzaïs taillés en forme d’animaux et des fontaines rafraichissantes. Tout autour sur les remparts de l’enceinte, est peinte une immense fresque qui retrace des batailles et épisodes religieux.

Au total, nous mettrons près de 3h à visiter l’ensemble des bâtiments royaux. Le complexe est grand, luxueux, aéré, parfaitement entretenu et parfois un peu bling bling. C’est digne d’une famille royale khmère ! Les jardins rassemblent des plantes tropicales  et des arbres rares aux fleurs délicieusement odorantes, qui fournissent une fraicheur bienvenue. C’est définitivement un immanquable quand on est de passage dans la capitale.

Heureusement pour nos jambes, la journée touche à sa fin. Nous dirigeons sur les rives du Mékong, juste à côté du Palais royal pour boire un verre bien mérité sur la terrasse du FCC, le bar où se réunissaient les journalistes étrangers du temps des khmers rouges.

La tournée des bars… temples

Le lendemain, après un passage chez le photographe, et en regardant un peu ce qu’il y a à faire à Phnom Penh, nous apprenons un nouveau mot qui va revenir beaucoup dans les pays suivants : le mot « Wat ». Un « Wat » est un complexe développé autour d’un temple bouddhiste, regroupant des stuppas ainsi que des bâtiments servant aux bonzes, ces moines qu’on voit un peu partout en longue robe orange. Dans la capitale, il y a des dizaines de Wat. Munis de notre carte, nous nous éloignons donc du centre touristique pour visiter quelques wats dans la matinée. Loin des touristes, la misère et la saleté regagnent rapidement les ruelles. Je ne saurai plus vous donner les noms des 4 ou 5 wats que nous avons visité mais nous retenons encore une fois la splendeur des temples bouddhistes et la gentillesse des moines. Des statues recouvertes de feuilles d’or, des kilos d’offrande au pied de statues de Bouddha innombrables et  gigantesques, des peintures impeccables sur les murs et plafonds, que des bonzes sont ravis de nous expliquer dans un anglais approximatif.

La prison S21

Après ces quelques heures empreintes de tranquillité et de spiritualité au sein des temples, nous abordons un chapitre douloureux de l’histoire récente du Cambodge : l’épisode des Khmers Rouges. On ne peut pas aller au Cambodge et ne pas s’intéresser à cette période de l’histoire qui a véritablement retourné le pays, encore maintenant !

Pour résumer rapidement, les khmers rouges sont un mouvement politique communiste qui, suite à une guerre civile de plusieurs années, a pris le pouvoir en 1975 jusque 1979 avec Pol Pot (alias « Frère numéro 1 ») à sa tête. Ils ont installé une dictature extrêmement violente, entrainant la mort d’environ 1,7 millions de personnes, soit 20% de la population de l’époque. Le régime a ouvert quelques 190 prisons et camps de la mort (« centres de rééducation »), torturant et massacrant en masse la population « impure ». Par exemple, ils ont ordonné l’évacuation de la capitale en moins de 24h, les 2 millions de personnes se sont donc retrouvées à la rue, forcées de marcher en direction des campagnes en portant les malades sortis de force des hôpitaux. Ceux qui ne voulaient pas partir étaient simplement abattus.

La prison la plus célèbre, mais pas la plus meurtrière, est l’ancien lycée de Tuol Sleng ou S21. Les khmers rouges y ont enfermé environ 20 000 opposants supposés au régime, des jeunes aux personnes âgées, et seulement sept survivants en sont ressortis à la libération du camp. Les gardiens étaient des enfants de 10 à 15 ans, endoctrinés et beaucoup plus cruels que leurs ainés.

Quand nous pénétrons dans l’enceinte de la prison, nous sentons tout de suite l’atmosphère lourde et chargée d’histoire et de souffrance qui règne ici. Tout le monde parle à voix basse comme dans une église. Dans les salles de classe transformées en salles d’interrogatoire ou subdivisées en cellules de 4 mètres carré, tout a été laissé en l’état : les barres de fer pour accrocher les prisonniers, les lits sur lesquels ils étaient électrocutés, les fils barbelés les empêchant de se jeter par-dessus la balustrade et même les traces de sang sur les murs ou les sols. Dans la cour de l’école, la potence gît toujours au-dessus du bassin d’eau croupie dans lequel étaient plongés les détenus.

Un peu partout dans les salles de classe reconverties en musée, nous lisons de nombreux témoignages de l’atrocité des blessures infligées aux prisonniers récalcitrants, les tortionnaires faisaient preuve de beaucoup d’imagination pour soutirer des aveux imaginaires… Le camp S21 tenait un registre des entrées et sorties (sortie vers le camp d’extermination des Killing fields, pas vers la liberté) des détenus, avec photos et descriptifs. Ainsi, des murs entiers sont recouverts de portraits en noir et blanc de ces enfants, femmes, et hommes ayant péri ici. En avançant devant les panneaux où sont épinglés les clichés, nous croisons les regards et expressions, ici de résignation, là de révolte ou de peur, de ceux qui savent qu’ils n’en sortiront pas vivant… Avec le panneau indiquant leur numéro d’identification, ça donne le tournis !

A quelques mètres de la sortie, nous croisons un des sept survivants qui vient tous les jours dans cet enfer pour vendre son autobiographie aux touristes. Sous le choc de la visite, nous ressentons le besoin d’aller le saluer et d’échanger quelques mots avec lui, comme si cela pouvait alléger sa souffrance. Nous avons presque envie de nous excuser pour ce qu’il a subi, au nom de l’humanité entière. Devant tant de cruauté, je ne sais pas pourquoi mais on se sent coupable ou plutôt honteux que nos congénères soient capables de faire ça à leurs semblables… Pour moi, la visite de cette école, où ont d’abord retentis des cris de joie des lycéens avant des cris de douleur des prisonniers, m’a vraiment marqué, d’autant plus que les infrastructures laissées en l’état donnent à l’histoire une réalité frappante et indéniable. Nous ressortons de là avec un goût amer dans la bouche, un sentiment de dégoût pour les monstres qui ont mis en place cette machine d’extermination (plus envers les gens à la tête du parti, qu’envers les tortionnaires qui étaient endoctrinés…), et surtout une envie de faire connaitre ce qu’il s’est passé pour ne pas que cela tombe dans l’oubli et que cela recommence ailleurs… Nous ne regrettons vraiment pas d’avoir visité cette prison, qui a été un moment fort en émotions et réflexions, qui s’est finalement plus rapproché du pèlerinage que de la promenade…

Le marché russe

A quelques encablures de S21, nous faisons un saut sur les coups de 17h jusqu’au marché russe à proximité de la pagode Toul Tom Song. Ce marché est réputé pour ses bibelots et souvenirs made in Cambodge à bas prix. Mais peut-être parce que nous y sommes arrivés sur la fin, nous n’y avons pas trouvé de charme particulier, ni de prix si intéressants. Il s’agit de marché de plus, plus petit, plus sombre mais plus traditionnel que le marché central. Contre 2$, un tuk-tuk nous ramène à notre hôtel pour une dernière soirée dans le quartier touristique, avant de prendre le départ demain matin pour Siem Reap et ses temples d’Angkor.